Parentalité et alcoolisme – et l’enfant dans tout cela ?!

 Dans Thérapie

Suivant les rapports de L’INSERM et de l’OMS (Europe Occidentale), près d’une personne sur dix aurait une consommation problématique liée à l’alcool. A une période de leur vie, dix à 20% des enfants seraient confrontés à la dépendance alcoolique du père (3/4 des cas) ou de la mère. Aucun milieu social n’est épargné. Seuls 3 à 5% des personnes alcooliques correspondent au stéréotype de « l’alcoolique désocialisé ».

La dynamique familiale s’organise autour de la consommation d’alcool et de ses conséquences.

Les motifs de consultation pour les enfants concernés peuvent être des problèmes de sommeil, des difficultés de concentration, de l’hyperactivité, une anxiété, une dépression, un isolement, de l’agressivité, des problèmes scolaires, etc.

Au niveau des enfants c’est souvent la loi du silence qui prévaut. Cette dernière est sous-tendue par la honte et la loyauté au parent. Certains enfants qui viennent en consultation sont parentalisés. Ils se mettent à vouloir protéger leur parent des conséquences de sa dépendance.

Nous pouvons relever en consultation des attitudes de déni voire de minimisation du comportement du parent alcoolique. Au travers de dessins et de jeux (figurines) les enfants rejouent l’irritabilité, les absences et les maladresses du parent dépendant. Certains rejouent des scènes de conflits conjugal avec un « petit » pris comme témoin ou sollicité pour défendre ou protéger l’un de ses parents.

Les enfants expriment leurs peurs, leur anticipation anxieuse, leur sentiment d’alerte, leur souhait de fuir, leur isolement, leur colère dévorante et leur culpabilité, leur sentiment de responsabilité, … Être reconnu dans sa souffrance, briser le silence peut s’avérer salvateur.

Dans toutes les situations, je reprends le parcours de combattant du parent par rapport à sa consommation. J’encourage, si ce n’est déjà fait, le parent dépendant à s’adresser à des services de prise en charge spécialisés. Le fait que le parent soit suivi permet plus facilement de lever le voile du déni et du secret de l’alcoolisme parental. Dans certaines situations, le fait d’évoquer l’impuissance et les échecs des prises en charge par des professionnels permet de libérer les enfants du poids de leur culpabilité et de leur responsabilité de n’avoir pu sauver leur parent.

Le soutien et le travail psychologique avec les enfants est grandement facilité par un soutien et un travail multidisciplinaire avec le parent dépendant. Je veille à instaurer une relation basée sur l’empathie, la confiance et le respect.

La réponse adaptée est complexe et requiert idéalement une approche du parent, de l’enfant et ce de manière pluridisciplinaire.

Avec le parent dépendant et son ou sa partenaire sont souvent abordés :

  • Une réflexion sur le rôle parental (tâches et responsabilités) et les compétences parentales (sentiment d’efficacité personnelle, autonomie, responsabilité) ;
  • L’instauration ou la préservation de rituels familiaux qui ne soit pas liés à la consommation d’alcool ;
  • Une vigilance quant à l’exposition du/des enfant(s) à des situations liées à l’alcool et aux conflits des parents ;
  • La prise en considération du vécu de chacun des membres de la famille et des besoins du/des enfants.

Le suivi de l’enfant permettra de :

  • Parler de la maladie du parent, avec des mots simples, confirmer l’enfant dans son propre jugement qu’il vit dans une situation difficile dont il n’est pas responsable : l’enfant ne peut pas soigner son père ou sa mère, ni le ou la faire arrêter de boire ;
  • Un rendez-vous en présence du parent et de l’enfant chez le médecin alcoologue est recommandé afin de lever le tabou lié à la consommation et d’obtenir des explications quant à la maladie et le suivi mis en place (sentiment d’isolement, de culpabilité, de responsabilité de l’enfant et imprévisibilité liée à l’incompréhension de la maladie) ;
  • Donner à l’enfant la possibilité de parler de ses sentiments, de ses peurs, de ses soucis, de la honte et de la culpabilité ;
  • Rassurer l’enfant, rompre l’isolement : il n’est pas seul à vivre cette situation et c’est déjà réconfortant pour lui ; renforcer les liens de la fratrie ;
  • Veiller, via le parent, à lui offrir un cadre de vie structuré et rassurant ; des routines qui ne soient pas en lien avec la consommation d’alcool et qui par nature sont prévisibles (par ex. heures régulières de repas, de coucher, etc.) ;
  • Renforcer son estime de lui-même, lui donner un espace où il a le droit d’être un enfant, l’aider à développer des compétences pour faire face aux difficultés (résolution de conflits) ;
  • Permettre à l’enfant de développer un attachement émotionnel stable avec le parent non dépendant et/ou un autre adulte de confiance dans l’entourage ;
  • Lui donner des conseils pour sa sécurité : que faire, à qui demander de l’aide, quand.

Il est bien entendu que l’intérêt supérieur de l’enfant prime dans toutes les situations et que le recours à un contrôle social sera abordé ou mis en place si nécessaire.

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