L’anorexie mentale suivant les classifications internationales

 Dans Thérapie

Les classifications internationales ont pour objectif d’établir des consensus sur le plan clinique afin de favoriser les échanges et la recherches au niveau professionnel. Celles-ci proposent des critères diagnostiques précis. Les plus souvent utilisées actuellement sont la Classification Internationale des Maladies, version 10 (CIM-10) et le Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux, version 4 révisée (DSM-IV-TR).

Selon la CIM-10, le diagnostic d’anorexie mentale repose sur la présence de chacun des éléments suivants : Poids corporel inférieur à la normale de 15 % (perte de poids ou poids normal jamais atteint) ou index de masse corporelle inférieur ou égal à 17.5). Chez les patients prépubères, prise de poids inférieure à celle comptée pendant la période de croissance.

  • La perte de poids est provoquée par le sujet par le biais d’un évitement des « aliments qui font grossir », fréquemment associée à au moins une des manifestations suivantes : des vomissements provoqués, l’utilisation de laxatifs, une pratique excessive d’exercices physiques, l’utilisation de « coupe-faim » ou de diurétiques.
  • Une psychopathologie spécifique consistant en une perturbation de l’image du corps associée à l’intrusion d’une idée surinvestie : la peur de grossir. Le sujet s’impose une limite de poids inférieure à la normale, à ne pas dépasser.
  • Présence d’un trouble endocrinien diffus de l’axe hypothalamo-hypophyso-gonadique avec aménorrhée chez la femme (des saignements vaginaux peuvent toutefois persister sous thérapie hormonale substitutive, le plus souvent dans un but contraceptif), perte d’intérêt sexuel et impuissance chez l’homme. Le trouble peut s’accompagner d’un taux élevé d’hormones de croissance ou de cortisol, de modifications du métabolisme périphérique de l’hormone thyroïdienne et d’anomalies de la sécrétion d’insuline.
  • Quand le trouble débute avant la puberté, les manifestations de cette dernière sont retardées ou stoppées (arrêt de la croissance ; chez les filles, absence de développement des seins et aménorrhée primaire ; chez les garçons, absence de développement des organes génitaux). Après la guérison, la puberté se déroule souvent normalement ; les règles n’apparaissent toutefois que tardivement.

Selon le DSM-IV-TR, le diagnostic repose sur la présence de chacun des éléments suivants :

  • Refus de maintenir le poids corporel au niveau ou au-dessus d’un poids minimum normal pour l’âge et pour la taille (par exemple, perte de poids conduisant au maintien du poids à moins de 85 % du poids attendu, ou incapacité à prendre du poids pendant la période de croissance conduisant à un poids inférieur à 85 % du poids attendu).
  • Peur intense de prendre du poids ou de devenir gros, alors que le poids est inférieur à la normale.
  • Altération de la perception du poids ou de la forme de son propre corps, influence excessive du poids ou de la forme corporelle sur l’estime de soi, ou déni de la gravité de la maigreur.
  • Chez les femmes post-pubères, aménorrhée c’est-à-dire absence d’au moins trois cycles menstruels consécutifs, (une femme est considérée comme aménorrhéique si les règles ne surviennent qu’après administration d’hormones, par exemple œstrogènes).

Cette dernière classification différencie deux formes cliniques d’anorexie mentale :

  • la forme restrictive dans laquelle la restriction alimentaire est au premier plan et où l’épisode actuel ne s’accompagne pas de crises de boulimie, ni de vomissements et/ou de conduites de purge (laxatifs, diurétiques, lavements).
  • la forme avec crises de boulimie et conduites de purge dans laquelle le sujet présente de façon régulière des crises d’hyperphagie (consommation rapide et sans plaisir d’une grande quantité d’aliments, avec un vif sentiment de perte de contrôle) qui entrecoupent les phases de restriction ; et a recours à des conduites compensatoires (vomissements provoqués, prise de purgatifs, hyperactivité).

Avec ces classifications, il existe une proportion importante de troubles alimentaires non-spécifiés, c’est-à-dire ne répondant pas à tous les critères diagnostiques de l’anorexie ou de la boulimie (formes partielles ou subsyndromiques), ou renvoyant à des troubles hyperphagiques sans mise en place de stratégies de contrôle du poids. Alors qu’elles sont supposées être une catégorie diagnostique «résiduelle», les formes non-spécifiées de troubles du comportement alimentaire seraient les plus fréquemment rencontrées dans la pratique clinique. Récemment, le DSM-5 (APA 2013) a apporté des modifications aux critères diagnostiques, dans le but de diminuer cette proportion importante des troubles alimentaires non-spécifiés.

Le critère d’aménorrhée, fortement critiqué dans le DSM-IV-TR, a été retiré. En effet, la disparition des menstruations serait en grande partie liée à la dénutrition ce qui en ferait plus un indicateur du statut nutritionnel et du poids qu’un critère diagnostique à part entière. Les formulations ont été modifiées, afin d’être moins péjoratives (Ornstein, Rosen et al. 2013) et impliquant moins l’intentionnalité du sujet. Finalement, le critère explicite de poids a été retiré car il n’avait pas pour objectif d’être interprété littéralement (Bravender, Bryant-Waugh et al. 2010).

Ainsi, selon le DSM-5, le diagnostic d’anorexie mentale repose sur les éléments suivants :

  • Restriction de la prise énergétique par rapport aux exigences minimum, conduisant à une perte pondérale ou à une absence de prise de poids, dont la résultante est un poids significativement bas compte-tenu de l’âge, du sexe, de la trajectoire développementale et de la santé somatique.
  • Peur intense de prendre du poids ou de devenir gros, alors que le poids est inférieur à la normale.
  • Altération de la perception du poids ou de la forme de son propre corps, influence excessive du poids ou de la forme corporelle sur l’estime de soi, ou déni de la gravité de la maigreur.

En parallèle, d’autres catégories ont été définies, comme le trouble alimentaire restrictif/évitant de l’enfant et de l’adolescent (APA 2013). Selon une étude récente, le taux de troubles alimentaires non-spécifié chuterait largement avec cette nouvelle classification, bien qu’elle augmenterait légèrement la prévalence de l’anorexie mentale (Ornstein, Rosen et al. 2013).

 

Précisons qu’il est important d’éliminer les causes médicales non-psychiatriques devant tout trouble du comportement alimentaire ainsi que d’évaluer les multiples répercussions de tels troubles.

Les comorbidités psychiatriques sont fréquentes et doivent être investiguées. Le risque suicidaire doit systématiquement être évalué.

Le diagnostic est établi par un médecin traitant et/ou un (pédo)psychiatre.

 

 

 

Sources :

APA (2013). Diagnostic and Statistical Manuel of Mental Disorders (DSM-V). Alrington, VA, APA Press.

Bravender, T., R. Bryant-Waugh, D. Herzog, D. Katzman, R. D. Kriepe, B. Lask, D. Le Grange, J. Lock, K. L. Loeb, M. D. Marcus, S. Madden, D. Nicholls, J. O’Toole, L. Pinhas, E. Rome, M. Sokol-Burger, U. Wallin and N. Zucker (2010). « Classification of eating disturbance in children and adolescents: proposed changes for the DSM-V. » Eur Eat Disord Rev (2): 79-89.

Ornstein, R. M., D. S. Rosen, K. A. Mammel, S. T. Callahan, S. Forman, M. S. Jay, M. Fisher, E. Rome and B. T. Walsh (2013). « Distribution of eating disorders in children and adolescents using the proposed DSM-5 criteria for feeding and eating disorders. » J Adolesc Health (2): 303-305.

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